17.07.2024
Ce week-end marque notre troisième retour sur les lieux de notre victoire inoubliable avec Esteban au Grand Prix de Hongrie 2021.
Dans cet après-midi incroyable au Hungaroring, une succession d’occasions et une prestation sans faille du pilote et de l’équipe ont mené au premier succès du nom Alpine en Formule 1. Retrouver le circuit ravive toujours les souvenirs de tous ceux y ayant contribué.
« Nous pouvons au moins en plaisanter un peu et nous en servir comme d’un coup de pouce pour la confiance », confie Josh Peckett, l’ingénieur de course d’Esteban. « La même équipe ou presque travaille encore avec nous sur sa voiture. C’est agréable de prendre le temps de repenser à ce que nous avons réussi à faire. C’est entré dans les livres d’histoire, une victoire inattendue. J’aimerais croire qu’Esteban s’en souvient ainsi aussi, comme d’un moment fort et positif. C’est tellement facile de se laisser déborder par les courses qui ne se sont pas bien passées qu’il devient très important de se remémorer celles où tout s’est aligné. »
Esteban et l’équipe alors connue comme Renault avaient déjà pu célébrer une deuxième place au Grand Prix de Sakhir à Bahreïn fin 2020. Cet élan s’est maintenu lors de la saison suivante, la première sous les couleurs Alpine.
Le Français s’était qualifié sixième au Portugal, puis cinquième en Espagne. Il était entré dans les points à cinq reprises lors des dix premières courses, mais personne n’aurait pu prédire la trame du rendez-vous suivant en Hongrie, le onzième du calendrier.
Samedi, Esteban signait sa meilleure qualification depuis Barcelone pour s’élancer depuis la huitième position. Son équipier Fernando le talonnait au neuvième rang.
Dimanche, la pluie jetait un voile d’incertitude. Les différents scénarios possibles étaient analysés avant le départ, mais l’accent était finalement mis sur le court terme, plutôt que sur l’ensemble des 70 tours.
« C’est l’un de ces circuits où la météo peut très vite changer », explique Josh. « Quand vous partez relativement loin, il faut espérer passer le premier virage avant tout ! Tous les regards, du moins de mon point de vue, ont tendance à se tourner vers le ciel durant ces premiers tours. Il faut aussi s’assurer que tout le monde soit organisé et prêt à faire l’essentiel, comme avoir les bons pneus adaptés aux conditions. »
D’entrée de jeu, les circonstances jouaient en faveur d’Esteban. Au premier virage, Valtteri Bottas perdait le contrôle de sa Mercedes au freinage sur une piste détrempée. Le Finlandais déclenchait un accident impliquant également Lando Norris, Max Verstappen et Sergio Perez.
Esteban voyait la scène se dérouler sous ses yeux lorsque Lance Stroll surgissait sur sa droite avant de percuter Charles Leclerc. Si d’autres étaient obligés de tirer large pour éviter le chaos, Esteban gardait la corde et se retrouvait deuxième, seulement devancé par le poleman, Lewis Hamilton.
« Je crois que nous devions d’abord tenter de savoir si nous avions réellement été touchés pour évaluer d’éventuels dégâts ou une crevaison », détaille Josh. « Ensuite, il y a eu ce petit moment d’incrédulité. Non seulement nous avions réussi à passer au travers, mais nous avions aussi gagné six places ! Le plus important était probablement de s’en rendre compte. Dès ce moment, il fallait attendre la suite, et le drapeau rouge a été brandi assez rapidement pour faire revenir le calme. »
Durant l’interruption, les monoplaces étaient alignées dans la voie des stands. Esteban était deuxième, garé juste derrière Lewis Hamilton.
À la relance, Esteban suivait la voiture de sécurité et Lewis Hamilton, prêt à prendre le deuxième départ arrêté. Le plateau était toujours en pneus intermédiaires, mais il devenait évident que la piste était « complètement sèche », comme Esteban le confiait à la radio.
« Je reviens vers toi très vite », répondait Josh. Alors que les leaders s’approchaient de l’entrée des stands, Lewis Hamilton continuait de se diriger vers l’emplacement de la pole, mais Esteban recevait un ordre clair : « Box, box, box ».
Le Français renonçait à sa deuxième position sur la grille en s’engouffrant dans la voie des stands, mais tous ses poursuivants lui emboîtaient le pas, laissant Lewis Hamilton seul en piste.
« Évidemment, beaucoup de monde était impliqué dans cette décision », se rappelle Josh. « Nous avons réalisé que les intermédiaires n’étaient plus du tout adaptés. Nous aurions perdu tellement de temps si rapidement qu’il importait peu d’être deuxième, dixième ou vingtième. Il valait mieux passer en slicks le plus rapidement possible. »
Les mécaniciens réalisaient de l’excellent travail et Esteban se plaçait en tête de file. Quand Lewis Hamilton passait la sortie des stands, Esteban accélérait dès le feu vert. Si George Russell lui a grillé la politesse pour prendre brièvement la deuxième place, le Britannique rendait cependant sa position à la demande de la FIA. Et quand Lewis Hamilton s’arrêtait pour changer de gommes, Josh n’avait qu’un message : « OK Esteban, tu mènes maintenant le Grand Prix… »
« Cela ne m’était alors jamais arrivé », se souvient Josh. « C’est là que nous avons réalisé que nous devions essayer de maintenir ce rythme pendant 70 tours ! C’est intimidant, c’est la seule façon de le décrire. Puis vous faites exactement la même chose que d’habitude. Vous êtes juste devant, ce à quoi aucun d’entre nous ne s’attendait vraiment. Les processus de gestion de la voiture et tout le reste étaient strictement identiques, j’avais juste l’impression que cela prenait horriblement plus de temps que d’habitude… »
Outre Esteban, le plus grand bénéficiaire du chaos au premier virage n’était autre que Sebastian Vettel. Passé de la dixième place sur la grille à la deuxième position, le quadruple champion du monde suivait Esteban de près durant la course. Josh tenait son pilote informé de l’écart. Il était crucial de conserver plus d’une seconde d’avance pour ne pas donner à l’Allemand l’avantage du DRS.
« L’une des choses qui m’impressionnent le plus chez Esteban, c’est qu’il pilote impeccablement dans ce genre de situation », déclare Josh. « Il se sublime sous la pression. La plupart des gens auraient pu facilement mal placer une roue. Il s’en est très bien sorti. Il a même dit par la suite qu’il en avait encore sous le pied à certains moments. »
Le timing des arrêts aux stands était tout aussi crucial et Sebastian Vettel était le premier à s’arrêter. Esteban l’imitait un tour plus tard et ressortait juste devant son rival.
« Vettel a été légèrement retardé, assez pour que nous puissions rester devant », explique Josh. « Normalement, l’undercut fonctionne plutôt bien ici, donc nous avons eu beaucoup de chance. Je pense que la situation aurait été beaucoup plus délicate avec un pit-stop normal pour Vettel. Esteban a fait absolument tout ce qu’il fallait, les mécaniciens également avec un arrêt de grande qualité. C’est ce dont nous avions besoin, et au bon moment. »
Il y avait un autre aspect à prendre en compte. Si Lewis Hamilton avait perdu du temps en s’arrêtant à la fin du premier tour, son rythme solide lui permettait de remonter dans le peloton. La grande question était de savoir s’il pourrait rattraper les leaders à temps, et les chiffres suggéraient que c’était possible.
« D’après les données et suivis que nous avons examinés, il était évident qu’Hamilton allait revenir », explique Josh. « Voire qu’il allait passer devant, même s’il avait beaucoup de choses à faire pour y parvenir… »
Nous avions toutefois Fernando Alonso, auteur d’un excellent travail pour ralentir la progression du pilote Mercedes.
« Je crois que nous nous sommes accordés assez vite à maintenir Fernando dans une position où il pourrait également aider notre défense », déclare Josh. « Je suis plutôt convaincu que c’est la raison principale de la victoire d’Esteban. Sans Fernando, Lewis aurait été beaucoup plus proche, presque dix tours plus tôt. Esteban aurait pu se défendre dans une certaine mesure, Vettel aussi, mais cela aurait été beaucoup plus compliqué. Fernando nous a beaucoup aidés et il est clair que nous aurions eu d’autres difficultés sans lui. »
Au fil des tours, Josh informait Esteban de l’écart avec Sebastian Vettel tout en lui délivrant toutes les tâches habituelles en course, comme l’ajustement des molettes de réglages ou encore la gestion du lift and coast.
Sous le drapeau à damier, Esteban était toujours juste devant Sebastian Vettel (finalement disqualifié par manque de carburant pour le prélèvement de la FIA) et seulement 2’’7 devant Lewis Hamilton.
Sa première victoire était si émouvante qu’Esteban manquait le message de Josh lui indiquant de se rendre dans le Parc Fermé réservé aux trois premiers à la fin du tour d’honneur. Un oubli l’obligeant à redescendre la ligne droite pour se garer vers la sortie des stands.
« Je ne peux pas lui en vouloir, il n’était pas vraiment concentré à ce moment ! », sourit Josh. « C’était surréaliste. Je n’avais jamais vécu cela auparavant en F1 et je ne savais pas trop quoi en penser. Je me souviens que quelqu’un m’a tapé dans le dos si fort que ma tête a failli heurter l’écran devant moi ! Tout le monde était enthousiaste. C’était notre première victoire depuis un bout de temps, et le coup de pouce dont tout le monde avait besoin. Nous avions obtenu des résultats corrects, mais cette victoire faisait du bien à tous. Pas seulement en piste, mais aussi à l’usine. Mon plus grand regret est que nous ayons dû nous rendre directement à l’aéroport. Nous n’avons pas donc pas vraiment pu la célébrer… »
Josh a toutefois pu ressentir des émotions similaires avec la troisième place d’Esteban l’an passé à Monaco pour leur troisième podium commun.
« Il s’agit simplement de suivre nos processus habituels », explique Josh. « Il n’y a rien de particulièrement différent sur ces événements. En ce qui concerne l’équipe, je crois que nous faisons du très bon travail. Et je pense que nous essayons de mettre à profit ces moments où l’on peut obtenir un résultat en faisant de notre mieux. Jusqu’à ce que nous soyons de nouveau aux avant-postes en remportant régulièrement des courses, ce à quoi nous travaillons, il faut être là quand les événements prennent une tournure inattendue. »